Tout vient à point (?) de celui qui sait attendre

31/05/17

Vendredi dernier, le 26 mai, avec un retard de moins de six mois, le Gouvernement espagnol adopta l’Arrêté-loi royal (Real Decreto-Ley, RDL) 9/2017, qui transpose dans le Droit espagnol la Directive sur les dommages intérêts de l’Union européenne, publié dans le Journal officiel (BOE) le lendemain.

L’article 86 de la Constitution espagnole permet à l’exécutif de légiférer par dans des cas d’une urgence extraordinaire, pourvu que le pouvoir législatif ratifie ensuite l’Arrêté-loi royal.

Depuis hier, toute partie demanderesse pourra donc profiter des changements faits à la Loi sur la concurrence (Ley de Defensa de la Competencia, LDC) et au Code de procédure civile (Ley de enjuiciamiento civil, Lec) pour demander à être indemnisé par un fournisseur qui ait enfreint le Droit de la concurrence.

Il va sans le dire que le RDL 9/2017 transpose les pierres angulaires de la Directive 2014/104/UE, telles la responsabilité solidaire des infracteurs; la valeur probante des décisions d’une autorité de la concurrence qui ne puissent plus faire l’objet d’aucun recours (celles des autres États membres créent une présomption); le délai de prescription minimum pour demander en justice des dommages intérêts (5 ans); ou autre la protection des preuves émanant d’une demande de clémence. Or, le RDL 9/2017offerait par ailleurs au moins deux autres aspects d’un intérêt particulier.

D’une part, les règles sur l’accès à des preuves en mains d’autrui (discovery), plutôt inefficaces à ce jour en Espagne. La Commission de codification avait proposé d’aligner ces règles sur les exigences de la Directive 2014/104/UE pour ensuite les rendre applicables à tout litige civil. Certes, le nouvel article 283 bis, lettre a), de la Lec inclue désormais des exemples qui vont très loin du type de renseignements que chaque partie peut demander à l’autre et même à des tiers. Néanmoins, le Gouvernement a été très conservateur et s’est borné à approuver ces règles spéciales pour les seules litiges concernant des dommages intérêts en matière de concurrence.

D’autre part, il y a la maxime de ne pas permettre le dédommagement au-delà du 100% suite à des règlements consensuels (article 19 de la Directive 2014/104/UE). En effet, copiant l’article 12, 2ème alinéa, de la Directive, le nouvel article 78, premier alinéa, 2ème paragraphe, de la LDC dit désormais qu’ « [e]n aucun cas la  réparation du  dommage réel  à  tout  niveau de  la  chaîne  de  distribution n’excède pas  le  préjudice du surcoût subi à ce niveau. » Notons que la Directive n’exige point que les États membres proclament vivement à leur tour ce principe mais qu’ils « élaborent des  règles  procédurales appropriées » pour y parvenir.

Or, le nouvel article 77, 1er alinéa, de la LDC ne fait que copier l’article 19, 1er alinéa, de la Directive : “[l]e droit à la réparation des dommages intérêts de la victime qui ait conclu un règlement consensuel diminuera de la partie proportionnelle attribuable à l’infracteur qui ait conclu ledit règlement du préjudice provoqué par l’infraction au Droit de la concurrence.” Dans la pratique, cette simple phrase ne semblerait pas pouvoir empêcher une surcompensation lorsque le pourcentage de dédommagement soit plus élevée que ladite « partie proportionnelle du préjudice. » En effet, le Gouvernement a omis de préciser, et encore moins d’assurer, que ce « droit à la réparation » ne devra pas dépasser les dommages intérêts réels, économiques, subis par victime.

Il faudra voir les effets pratiques du RDL 9/2017. A ce jour, l’Espagne était la lanterne rouge de l’Europe au niveau des litiges de ce genre. C’était dû en partie à la culture des affaires dans notre pays (“tiens, on ne va tout de même pas demander nos propres fournisseurs !”), bien sûr, mais dans une bonne mesure aussi aux rigueurs de la procédure. Celle-ci est désormais bien plus souple.

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